Enseignement bénévole à Mae Sot : Thaïlande
Découvrez le récit de Pierrot relatant son expérience d’enseignant bénévole à Mae Sot à l’ouest de la Thaïlande à la frontière Birmane.
Une semaine à Mae Sot
« Mae Sot est vraiment un lieu de vie intense où je me sens toujours fatigué mais où je ne penserais jamais pour autant aller me coucher» écrivait François, un ancien bénévole qui a enseigné l’anglais durant six mois au centre One Dream One World.
On ne va pas jusqu’à Mae Sot par hasard, et il faut vraiment le vouloir pour y arriver. Après 5 heures de bus entre Mochit, la gare routière nord de Bangkok et Tak, capitale de la Province du même nom, le plus éprouvant reste encore à venir : deux heures de trajet le long d’une route sinueuse qui serpente à travers la montagne. A deux reprises, le bus s’immobilise, les lumières du car s’allument, policiers et militaires montent à bord et contrôlent les autorisations de séjours birmanes. Parfois des familles entières, faute de papiers d’identité valables, n’ont d’autre choix que de descendre dans la nuit sourde et étouffante de la forêt. Après une nuit de prison, ces derniers seront reconduits en Birmanie au petit matin. Il n’y a aucun doute, la frontière est proche : bienvenu(e)s à Mae Sot !
A moins de 5 kilomètres de la frontière, Mae Sot jouit d’un extraordinaire métissage ethnique, culturel et religieux. Au marché de jour comme dans les rues de la ville, Thaïlandais, Birmans en sarong, Karens, Lahus et Hmongs en habits traditionnels, Hindous porteurs de turbans, Chinois et humanitaires d’associations ou de grandes ONGs s’y côtoient à longueur de journée. En ville, beaucoup de panneaux sont écrits en plusieurs langues et on y parle davantage birman que thaï.
Par sa position stratégique, Mae Sot est également la ville de tous les trafics. Le long de Thanon Prasatwithi on négocie les pierres précieuses tandis qu’à la frontière on peut trouver des cigarettes, du whisky et même du Viagra au marché noir. Sans oublier le teck et la drogue qui transitent en permanence entre les deux pays. Sous ses apparences de cité-dortoir, Mae Sot est une ville qui surprend sans cesse.
Mae Sot, lundi
8h00 : sur la terrasse du restaurant canadien, Dave le propriétaire sert café, thé, plats de fruits et omelettes géantes aux quelques bénévoles qui s’apprêtent à vivre une nouvelle semaine de cours.
Si la plupart des humanitaires viennent enseigner l’anglais aux quelques dizaines d’écoles d’enfants birmans que compte la province – écoles souvent illégales et à peine tolérées par le gouvernement thaïlandais – d’autres travaillent dans le domaine médical, dans des ateliers professionnels ou arrivent directement sur place avec un projet concret comme la construction d’aires de jeux. Deux filles canadiennes arrivent à vélo, suivi d’un pick-up de Médecins Sans Frontières. Tout ce monde s’assoie et commande un petit-déjeuner. A une autre table, un Français pianote sur son ordinateur portable tandis que sa voisine corrige au stylo rouge des copies. Un Américain sort du restaurant et traverse la rue afin de photocopier son cours de la journée avant d’enfourcher son scooter et de se fondre dans la circulation qui ne désemplit pas. Il est 8h45 et il n’y a pas à se tromper, les cours vont débuter !
Quinze minutes plus tard, les « Hello Teacher ! » fusent de partout. Il fait chaud, il fait humide, et on tente tant bien que mal à manier le feutre avec précaution afin de ne pas finir le visage et les mains barbouillés de couleurs. Les élèves se lèvent à l’arrivée du professeur et le salue respectueusement : « Ming(a)laba, Ming(a)laba sia» (bonjour, bonjour professeur!). Ca y est, l’école peut commencer !
Discipliné et désireux d’apprendre, chaque élève a son rêve : étudier à l’étranger, entrer dans un programme d’aide à l’immigration et partir vivre en Australie, au Canada, aux Etats-Unis ou aider directement son pays en devenant professeur ou politicien. Et les meilleurs élèves parlent jusqu’à cinq langues différentes (birman, langue de leur ethnie, thaï, anglais et français) et ce à tout juste 16 ans.
Alors que certains bénévoles enseignent les bases de l’anglais et animent jeux, ateliers de peinture, ateliers de bricolage, chansons et promenades aux plus petits, d’autres ont la tâche plus rigoureuse de suivre un programme spécifique, se basant en règle générale sur des livres de cours provenant de leur pays ou achetés directement sur place, dans des matières allant de la langue de Shakespeare aux mathématiques en passant par la géographie ou l’histoire.
Mae Sot, mercredi
L’école est finie.
En cette fin d’après-midi, s’il faut déjà organiser les cours du lendemain, il faut aussi penser à soi et le moment est venu de répondre à sa liste de courses et à ses obligations: un feutre rouge, un feutre bleu, un cahier de feuilles, des enveloppes, des cordes de guitare, du dentifrice, du shampooing, un spray anti-moustiques, deux litres d’eau et une carte téléphonique. Il faudra également poster quelques lettres pour les amis et la famille ainsi que passer chez le dentiste afin de prendre rendez-vous. Sans oublier Yin Shell, un élève studieux de 20 ans qui a besoin d’un dictionnaire anglais/birman. Mae Sot n’est pas un lieu de vacances, on y vit, on y évolue et on y grandit. On apprend aussi, beaucoup, et chaque jour. Des leçons de vie, surtout.
En début de soirée, le long de Thanon Intharakhiri, une des deux principales rues de Mae Sot où guesthouses, restaurants et bars se succèdent raisonnablement pour une ville que le tourisme de masse a toujours fuit, on croise des humanitaires partout en ville, entre le marché de jour et le marché de nuit, les salons Internet, les restaurants et le Borderline Shop qui compte un magasin d’habits et d’objets traditionnels birmans, un petit restaurant en plein air, ainsi qu’une galerie d’art.
Le soleil laisse doucement sa place à la lune, les rues deviennent désertes, et il n’y a aucun hasard à cela. Après une journée à enseigner dans des classes pouvant contenir plus d’une vingtaine d’élèves et où l’humidité frise l’insolence, seuls les plus téméraires feront ce soir la tournée des bars à la recherche d’une quelconque animation nocturne.
Mae Sot, le week-end
Alors que certains profitent, lors de week-ends prolongés dûs au calendrier scolaire thaïlandais ou aux fêtes ethniques birmanes, de s’évader deux ou trois jours à Sukothai, Chiang Mai, Bangkok ou encore Umphang, petite ville connue malgré son manque de tourisme pour ses trekkings, d’autres se reposent ou visitent la province. Et il y a de quoi faire dans la région : visite du Moei river market et de Myawaddy, petite ville-frontière birmane, escapade en scooter dans les villages environnants ou à travers la vaste campagne où rizières et arbres fruitiers abondent, baignade dans les cascades ou encore, si vous connaissez une personne qui y travaille ou y vit, visite des camps de réfugiés comme celui de Mae La, à une petite heure de Mae Sot.
Il est 21h00 et le Aiya restaurant est bondé. Chacun sait que tous les samedis soirs deux artistes birmans reprennent à la guitare les plus grands tubes occidentaux. Des grandes tables sont dressées mélangeant bénévoles et professeurs birmans devenus collègues et souvent amis. On commence traditionnellement avec un « Lapetdo », une salade birmane typique composée de feuilles de thé et de cacahuètes pilées avant de passer aux plats de résistance : soupes, plats de légumes, poulet ou porc à l’aigre-doux ou en curry, sans oublier l’incontournable riz.
Accroché au mur entre les nombreux dessins et peintures d’artistes birmans de la région se dresse un grand panneau d’informations. Une photo géante d’Aung San Suu Kyi le remplit à moitié et tout le monde sait pourquoi. Ici on ne se pose pas de questions, on ne doute pas, et on garde espoir coûte que coûte. Point final. Plusieurs annonces d’associations y sont également accrochées et recrutent des bénévoles, tandis qu’une fille belge a épinglé une annonce afin de monter un spectacle de clowns dans plusieurs écoles de la région.
Aux alentours de 23h00, les clients quittent peu à peu le restaurant et s’en vont au Thaime’s bar où les bénévoles se retrouvent devant un cocktail ou une partie de billard. L’ambiance devient émouvante et presque familiale au Aiya. Une poignée de personnes accompagnée de Myat Thu, l’incontournable gérant, se serrent autour d’une table. On prend la guitare et les airs de John Lennon se transforment en mélodies birmanes, chansons nostalgiques où chacun se rappelle de sa vie d’autrefois, chansons révolutionnaires où tout le monde rêve de changements et d’un monde meilleur pour ses enfants. On chante à cœur joie devant une bière Chang et les souvenirs du passé remontent en flèche à la surface, un passé bien lointain où chaque Birmane et chaque Birman de toute ethnie et de toute religion confondue vivait libre.
Pierrot Antoniotti
Informations pratiques
Pour rejoindre Mae Sot : en bus de/pour Bangkok (7-8h), Chiang Mai (6h), Sukothai (3h30).
En taxi collectif de/pour Umphang (4h), de/pour Mae Sariang (6h)
Hébergements : Green guesthouse, Phannu guesthouse, Ban thai guesthouse (maison des bénévoles), Mae Sod guesthouse, No. 4 guesthouse, Smile guesthouse, First Hotel
Restaurants : Aiya restaurant (birman, indo-birman, thaï), Canadian restaurant (occidental, mexicain, thaï), Casa Mia restaurant (italien, thaï, birman), Bai Fern restaurant (thaï, birman, occidental), marché de nuit (thaï)
Location mensuelle d’une chambre en guesthouse : entre 2’500 et 7’000 Bahts
Location mensuelle d’une petite maison (souvent non meublée) : dès 1’500 Bahts
Budget mensuel : à partir de 15’000 Bahts
Santé : hôpital général de Mae Sot, médecins et pharmacies anglophones. Faire très attention aux maladies suivantes : dengue et paludisme
Météo : saison sèche de novembre à fin avril. Saison des pluies de mai à fin octobre. Possibles inondations en septembre-octobre. Petite baisse de température début décembre.
Liens pratiques
Mae Sot sur Wikipédia : fr.wikipedia.org/wiki/Mae_Sot
Mae Tao clinique (Dr Cynthia’s Clinic) : maetaoclinic.com
ONG Help Without Frontiers : helpwithoutfrontiers.org
ONG Child’s Dream : childsdream.org Borderline shop : borderlinecollective.org