L’inde est une rencontre. Tout le monde le dit, elle ne nous laisse jamais indifférent. « On aime ou on déteste » entend-on souvent. On est pourtant toujours surpris, et on peut aussi apprendre à se laisser bercer par elle. C’est ce que j’ai appris en commençant mon voyage en Inde par Auroville.
Auroville est à la fois « hors Inde » et caractéristique de l’Inde. C’est une bulle conceptuelle, loin de l’agitation, de la surpopulation, de la pollution… Mais aussi un symbole du grand écart entre richesse et pauvreté que l’on retrouve partout dans les autres villes indiennes. A Auroville, les indiens autochtones sont souvent employés par les autres habitants (internationaux) de la ville. Ils vivent dans un quartier isolé, ils ont des cases en paille et vont chercher l’eau au puits. On est donc loin des grandes maisons à l’architecture tarabiscotée de certains propriétaires des communautés internationales d’Auroville…
Une route d’Auroville
Étendue immense en pleine jungle, entourée et composée de terre rouge, d’arbres aux noms et formes surprenants, de bruits d’animaux parfois si forts (en particulier la nuit) qu’on met du temps à s’habituer, Auroville est un îlot mystérieux riche d’une histoire communautaire internationale, un peu utopiste : celle de créer les bases d’un « nouveau monde » avec un système de fonctionnement proche de la nature, sans relations capitalistes entre ses membres. Construite à la fin des années 60 par quelques représentants de 120 pays différents ayant chacun apporté une poignée de sa terre natale, elle est établie sur les principes de « la Mère », fondatrice (et française !), qui souhaitait créer « un endroit inaliénable » pour les citoyens du monde. Elle comporte aujourd’hui environ 2000 habitants (contre les 50 000 prévus à sa création), dont deux tiers d’étrangers, répartis en 40 communautés différentes, chacune ayant sa spécialité. Pas d’argent échangé. Peu d’électricité, l’énergie solaire seule fait marcher les fourneaux de la « Solar Kitchen » où les habitants peuvent venir prendre leur repas avant la tombée du jour (c’est à dire très tôt le soir, ce qui nous a valu une diète le premier jour !). Pas de transports en commun (à part quelques taxis communautaires pour les urgences et les visiteurs). L’école est auto-gérée, un centre culturel réunit tous les habitants régulièrement autour de projections de films, de conférences et de débats d’idées. Mais le cœur d’Auroville est le fameux Matrimandir, son centre de méditation : une boule dorée géante habitée par un immense cristal qui reflète le soleil sur ses parois. Impressionnant… la sérénité qui s’en dégage, que l’on souhaite réellement « méditer » ou non, nous envahit et nous laisse comme éthérés, en paix.
Il m’a fallu rester plusieurs jours à Auroville pour en comprendre l’esprit, et pour me laisser atteindre…
Pondichéry
A côté de cela, Pondichéry, à peine quelques kilomètres plus loin sur la côte, est une bonne entrée en matière pour la découverte de l’Inde : elle conserve quelques enclaves d’architecture et de culture française (notamment culinaire !) tout en ayant, depuis 50 ans qu’elle est redevenue propriété de l’Inde, acquérit toutes les caractéristiques des villes indiennes : bruit, odeurs, bazars, temples indous à chaque coin de rue, fourmillement des rues bondées, croisement de voitures, « motos » (plutôt des mobylettes), vélos, charettes, rickshaws (ces fameux trois roues à moteur pétaradant) mais aussi piétons, vaches, chèvres… La circulation se fait au klaxon, et en général à celui qui passera le premier ou qui klaxonnera le plus fort. Pas de règle !
Une information cependant : si vous n’êtes pas motorisés, il faut savoir qu’à Pondichéry les taxis ne circulent plus après 22h30 – 23h, et que les rickshaws ne font pas le trajet Pondichéry – Auroville. Alors pour profiter des bons restaurants du front de mer à Pondichéry, il faut manger tôt ou venir en moto ! Ça vous évitera une longue errance dans la nuit… Et les rencontres peu agréables qui peuvent s’y présenter…
Contraste, donc, entre le calme parfois presque angoissant d’Auroville et l’agitation proprement indienne qui s’infiltre petit à petit en nous dans les rues de Pondichéry.
On retrouve pourtant à Pondichéry l’esprit de la méditation, bien que poussé plus encore à Auroville. Car c’est ici que l’on trouve (et que l’on peut visiter !) le célèbre Ashram cofondé par « la Mère » et Sri Aurobindo. Celui-ci dispense aujourd’hui encore un enseignement spirituel (qui se veut une sorte de synthèse entre les préceptes du yoga et ceux de la science plus « moderne »). De nombreux adeptes du monde entier viennent y faire retraite… mais ce n’était pas mon cas !
En ce qui me concerne, il a fallu quelques jours pour que je comprenne et accepte qu’en Inde, le rythme des journées est indépendant de notre volonté : rien ne fonctionne comme ce que nous connaissons en Europe, il faut donc oublier nos principes et ne pas prévoir trop précisément un programme… celui-ci se crée tout seul si tant est que l’on se laisse bercer !
Ce sont les rencontres qui m’ont ramené à l’essentiel : la chaleur humaine. Un enfant des rues qui court à côté de ma « moto » pour me montrer le chemin en répétant tous les mots qu’il connaît en anglais et en m’envoyant des bisous de la main ; un conducteur de rickshaw qui se démène pour m’aider à trouver un moyen de rentrer vers Auroville, tout en me montrant les beautés architecturales de sa ville ; quelques femmes intriguées par la blancheur de ma peau (bah oui, c’était le début des vacances !) et ma « grande » taille (la moyenne est autour d’1m50 chez les femmes indiennes) qui viennent me parler, me questionner… Des grands yeux noirs qui semblent comme regarder au fond de nous-mêmes, des sourires francs. Des rencontres d’humain à humain, dépourvues de méfiance ou de sous-entendus, dépourvues de relation commerciale ou de jugement de valeur. Se dire « tu es différent de moi et pourtant nous avons aussi des points communs, j’ai envie de savoir qui tu es » : de la curiosité, de la simplicité. Des rapports humains si épurés !
Cela donne à méditer (on y est finalement presque obligés !) sur nos propres relations humaines…
Quel bonheur !
Merci à Chloé Ritz pour avoir partagé avec je-voyage-en-asie.fr son carnet de voyage en Inde!